Belle issue pour l'action EnergiCs
Le réseau Carnot regroupe des structures de recherche publique qui s'engagent à développer des partenariats de recherche favorisant l'innovation dans les entreprises de toutes tailles - de la PME au grand groupe - et auprès des acteurs socio-économiques. Les 35 000 professionnels de la recherche de Carnot représentent 20% de l'ensemble des chercheurs du secteur public français et gèrent 55% des contrats de R&D confiés par les entreprises privées aux organismes publics de recherche français.
L’action Carnot Filière EnergiCs destinée à soutenir la compétitivité des entreprises actives dans l’énergie a été clôturée en septembre 2021. Elisabeth Brochier qui en a assuré la direction opérationnelle au sein de l’Institut Carnot Energies du futur revient pour nous sur le bilan de l’action et sur les suites possibles.
Elisabeth Brochier est responsable des projets structurants sur l’énergie au sein de la direction Recherche, Innovation, Valorisation et Europe (DRIVE) de Grenoble INP.
L’action EnergiCs : un guichet unique pour la recherche partenariale
L’action Filière EnergiCs a été lancée en 2015 par les cinq principaux acteurs de la recherche publique dans les domaines de l’énergie : trois Instituts Carnot (Energies du futur, M.I.N.E.S et ICEEL), le BRGM et le CSTB. L’idée majeure était de faciliter l’accès des entreprises aux compétences des laboratoires et plateformes technologiques de chacun de ces organismes pour leur permettre d’accroître la maturité de leurs technologies à tous les niveaux (projet de recherche, développement de démonstrateur ou transfert de technologie). Cinq thématiques principales ont été retenues : les sources d’énergies renouvelables, la conversion et les infrastructures des flux d’énergie, les usages à haute efficacité énergétique, les réseaux intelligents et les technologies transverses. Destinée aux secteurs des réseaux, de l’industrie, du bâtiment, des transports et des services, l’action EnergiCs se voulait ainsi un point d’entrée unique pour les TPE / PME et ETI confrontées au besoin d’innover et d’augmenter leur compétitivité.
Quel bilan dressez-vous de l’action EnergiCs ?
Nous en tirons un bilan positif. Avec l’implication des cinq acteurs majeurs de la recherche en énergie, c’est quasiment toute la chaîne énergétique qui était couverte en termes d’offre de compétences. Les membres du consortium affichaient déjà en 2015 une expérience significative de partenariats avec les TPE / PME et ETI. Leurs recettes contractuelles s’élevaient à 24 M€ avec un portefeuille clients de plus de 270 entreprises. C’est donc vers ces entreprises, hors du périmètre historique du consortium et éloignées du monde de la recherche, que l’action EnergiCs a déployé son plan d’actions commerciales. Cette démarche a eu un impact extrêmement visible auprès des entreprises de type TPE / PME dont le poids en matière de recettes contractuelles avec le consortium est passé de 30 % en début de projet à 60 % en fin de projet. La situation partenariale avec les ETI s’est avérée plus difficile et nous a amenés à développer des actions spécifiques pour intensifier l’accompagnement de ces ETI. Nous avons cherché à mieux comprendre cette typologie d’entreprises en analysant leurs travaux de recherche, leur manière d’externaliser la R&D ou encore leurs pratiques de partenariat. Nous avons ainsi développé une base de plus de 300 ETI parfaitement qualifiées à valoriser dans la suite de la filière dans des actions marketing et commerciales ciblées (partenariats avec les laboratoires, thèmes clés du Plan de Relance, marchés en émergence).
Quand vous dites que toute la chaîne énergétique était couverte, c’est extrêmement vaste...
Oui, c’est un périmètre très large. C’est pour cela que nous avons lancé une démarche marketing pour caractériser les 17 segments thématiques de notre périmètre sur les aspects économie, dynamique des marchés, besoins des industriels, recherche et innovation, etc. Nous avons ainsi confirmé la grande diversité de ces segments en matière de structuration et attentes des entreprises. Par exemple, dans le solaire, on observe un positionnement prédominant des grandes entreprises qui, de plus, connaissent parfaitement l’offre des Carnot. Cette démarche nous a donc amenés à sélectionner cinq segments pertinents à étudier pour EnergiCs : les réseaux électriques intelligents, le bâtiment haute efficacité énergétique, l’efficacité énergétique dans l’industrie, la biomasse énergie et la géothermie. Autant de segments où les Carnot ont un vrai potentiel d’accompagnement mais manquent de visibilité auprès des entreprises.
Nous avons ensuite affiné la démarche pour faire émerger trois marchés prioritaires à adresser collectivement : les microgrids et l’autoconsommation collective, les bâtiments et quartiers E+C- et la production de gaz vert. Ces marchés résultent des changements profonds des usages de l’énergie et sont encore en émergence. Néanmoins, ils affichent déjà un fort potentiel économique et surtout une présence importante des entreprises de type TPE / PME et ETI. Nous avons donc développé sur ces marchés des projets transverses pour renforcer notre offre plateformes et surtout pour structurer des offres communes au niveau du consortium. Notre objectif était d’entraîner sur le volet R&D des entreprises tournées vers l’innovation et de les accompagner sur des développements technologiques plutôt haut TRL.
Comment cela se traduit, en gros, par rapport aux trois marchés spécifiques que vous avez identifiés ?
Pour chacun des trois marchés, nous avons croisé les besoins des entreprises avec les solutions technologiques développées au sein du consortium EnergiCs. Que ce soit pour l’autoconsommation, les bâtiments et quartiers E+ C- ou la production de gaz vert, un travail de construction d’une offre a été lancé en résonance avec les attentes des entreprises. Concernant l’auto-consommation, nous avons recensé les thématiques de recherche à porter en priorité par le consortium et les acteurs clés à mobiliser en lien avec les communautés énergétiques.
Ce travail nous conduit aujourd’hui à accompagner sur le site grenoblois l’un des plus grands démonstrateurs d’autoconsommation collective en zone d’activités économiques. S’agissant des bâtiments et quartiers E+C-, nous avons cherché à fédérer les laboratoires de type semi-virtuel développés par les membres EnergiCs pour réaliser un banc commun d’évaluation des systèmes énergétiques innovants pour les bâtiments. Et pour ce qui est du gaz vert, nous renforçons une offre existante en comparant deux technologies de gazéification sur les volets technique, environnemental et économique pour mieux accompagner les industriels dans leur choix de solutions de stockage et de production de gaz vert. Ces projets transverses s’inscrivent dans un horizon temporel qui va au-delà de l’action d’EnergiCs.
Quelles autres actions sont menées dans le cadre d’EnergiCs ?
Nous avons renforcé la visibilité du consortium grâce à des partenariats privilégiés. C’est le cas du partenariat avec le Pexe pour l’organisation de la rencontre annuelle « Recherche - Industrie » Ecotech Energie mais aussi du partenariat avec le Comité Stratégique de Filière Nouveaux systèmes énergétiques au travers du pilotage de son groupe transverse de recherche. Ces rapprochements s’inscrivent dans la stratégie de l’action EnergiCs pour capter un vivier d’entreprises qualifiées tournées vers l’innovation. Par exemple, l’annuaire des nouveaux systèmes énergétiques qui référence à la fois les entreprises innovantes et les laboratoires de recherche publique représente une vitrine permettant de renforcer la visibilité des Carnot tout en constituant une base commerciale d’intérêt pour tous les acteurs du secteur de l’énergie.
Plus largement, en tant que spécialiste des domaines énergétiques, quelle est votre vision sur l’évolution à venir du secteur ?
Nous sommes tous conscients de l’enjeu et de l’urgence à agir pour la planète. Les choix tournés aujourd’hui vers les systèmes énergétiques plus propres en matière de CO2 et plus intelligents apparaissent incontournables pour répondre au défi de la transition énergétique. Ils déterminent également les gains de compétitivité de demain pour les entreprises. Il y a donc un énorme potentiel dans tout ce qui résultera de la décarbonation de l’économie, à la fois au travers des économies d’énergie mais aussi des changements en profondeur des usages de l’énergie. L’hydrogène décarboné en fait partie et constitue aujourd’hui un axe prioritaire d’investissement pour la France pour viser la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Les réseaux d’énergies représentent un autre axe de forte transformation de notre économie et de notre société avec une production décentralisée en hausse, de nouveaux usages toujours plus nombreux et des changements importants de modes de vie des individus. Les réseaux du futur seront plus flexibles et plus intelligents et les consommateurs pourront y jouer un rôle actif, en particulier dans l’exploitation du système électrique.
L’autre enjeu dans la course à la transition énergétique porte sur la collecte et la maîtrise des données énergétiques qui représentent les ressources de demain. Un projet d’observatoire de la transition énergétique est en cours de réflexion sur le site grenoblois pour développer une plateforme de ressources de données visant à étudier les comportements individuels et les pratiques collectives en matière de consommations et d’usages de l’énergie. Mieux comprendre ses consommations pour modifier ses comportements, c’est aujourd’hui possible grâce à l’intelligence artificielle et c’est tout l’enjeu du traitement et de la collecte des données énergétiques.